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Colonialisme cognitif et régimes sous influence

Beaucoup se demandent : « Pourquoi autant de nations, semblent-elles inactives face à de grandes injustices dont on entend beaucoup parler ces dernières années ? » Pour le comprendre, il faut revenir à la notion de « colonialisme cognitif », une domination politique et économique quasi permanente, souvent imposée par la force.

Une analogie parlante est celle du « mobster » (mafia). Dans le monde des escrocs , le « parrain » élimine quiconque menace son pouvoir. De même, dans l’ordre géopolitique actuel, une grande superpuissance (aidée par son allié local en orient) considère certains territoires comme sa propriété et « élimine » (directement ou indirectement) tout dirigeant qui s’oppose à ses intérêts.

Cette image, bien que caricaturale en apparence, illustre la mécanique de la domination : tant que les leaders en place acceptent de « collaborer », on les laisse gouverner. Mais dès qu’ils refusent de suivre la ligne imposée, ils sont exposés à des coups d’État, des assassinats, ou à des sanctions économiques et diplomatiques.

Une politique de “regime change” systématique

Depuis la Seconde Guerre mondiale, la superpuissance dominante a exigé que tous les pays adoptent son modèle : capitalisme, droits libéraux, réformes sociétales variées, etc. Pour imposer ces principes, elle pratique ce qu’elle appelle un « regime change » : le renversement des gouvernements jugés hostiles à ses intérêts par un autre plus docile.

Dans son ouvrage  Covert Regime Change: America’s Secret Cold War (Cornell University Press, 2018), la chercheuse Lindsay A. O’Rourke recense pas moins de 64 interventions secrètes et 6 opérations officielles de changement de régime menées par les États-Unis durant la Guerre froide (1947-1989). Au-delà de cette période, des « révolutions colorées » ont été orchestrées un peu partout, renforçant ce contrôle global.

Pourquoi cibler le monde musulman ?

Le monde musulman retient l’attention pour des raisons géopolitiques. L’allié local de la superpuissance y est perçu par beaucoup comme un État injuste envers certaines populations.

De nombreux pays musulmans estiment qu’une installation illégale et sanglante a permis à cet « allié local » de s’établir sur un territoire illégitime, et certains se sont donc opposés à ces injustices.

Pour neutraliser ce soutien, la superpuissance a alors appliqué sa stratégie de « regime change », rendant les gouvernements musulmans « dociles » ou « divisés », dans le but d’éviter toute coalition forte capable de contester ses intérêts ou ceux de son allié.

Exemples de renversements et d’assassinats ciblés

Voici quelques interventions marquantes :

  • Indonésie (1966) : Renversement du président Sukarno.
  • Arabie Saoudite (1975) : Assassinat du roi Faisal après un embargo pétrolier contre l’Occident.
  • Iran (1953, 2020) : Coup d’État contre Mossadegh ; assassinat de figures militaires (ex. Qassem Soleimani).
  • Pakistan (1988, 2022) : Mort suspecte du président Zia-ul-Haq ; déposition d’Imran Khan.
  • Irak (2003) : Renversement et exécution de Saddam Hussein.
  • Libye (2011) : Renversement et mort de Mouammar Kadhafi.
  • Égypte (2013) : Coup d’État contre Mohamed Morsi, premier président élu.
  • Turquie (2016) : Tentative avortée de putsch contre Recep Tayyip Erdogan.

Régimes faibles et dépendants

L’effet cumulé de ces actions est que la majorité de ces pays concernés ont été placés sous la tutelle de leaders fragiles, corrompus ou étroitement surveillés. Ces gouvernements :

  • Cèdent leurs ressources (pétrole, gaz, etc.) à la superpuissance à prix réduit.
  • Abritent des bases militaires étrangères et s’interdisent tout développement d’armement avancé.
  • Répriment sévèrement l’opposition, qu’elle soit religieuse ou politique.
  • Imposent parfois des lois sociétales impopulaires pour plaire à leurs soutiens extérieurs.

Comprendre l’inaction face à certaines crises

Dans ce contexte, il est compréhensible de voir ces pays peu enclins à s’opposer frontalement à la superpuissance ou à son allié, même en cas de grave injustice dans la région. Le risque est de subir des représailles: coups d’État, embargo, sanctions, voire action militaire.

Le « divide and rule » (diviser pour mieux régner) est la stratégie clé : tant que ces nations restent morcelées, dépendantes et obsédées par leurs problèmes internes, elles ne peuvent former un bloc solide pour intervenir.

Évolution future ?

Certains analystes estiment que le déclin progressif de la superpuissance dominante pourrait, à terme, permettre à des pays aujourd’hui sous influence de regagner en autonomie. Cela pourrait prendre une ou deux décennies et dépend d’évolutions géopolitiques complexes (montée d’autres puissances, réformes internes, etc.). D’ici là, ces nations restent étroitement contrôlées et se montrent prudentes dans leurs choix de politique extérieure.

Finalement, la domination intellectuelle et la contrainte politique forment un duo redoutable qui explique pourquoi beaucoup de pays ne peuvent ou ne veulent pas agir face à des injustices pourtant flagrantes. On ne peut comprendre cette “inaction” qu’en intégrant à la fois la logique du colonialisme cognitif et la réalité d’un “mobster” géopolitique imposant ses propres règles du jeu.

Référence : Lindsay A. O’Rourke, Covert Regime Change: America’s Secret Cold War, Cornell University Press, 2018.

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